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Tout en saluant les importants accomplissements de la Tunisie, les experts du Comité des droits de l’enfant s’inquiètent de la prévalence des châtiments corporels et du suicide chez les enfants
A l’occasion de l’examen du rapport périodique de la Tunisie devant le Comité des droits de l’enfant, un membre du Comité a relevé que, même si la Tunisie fait figure de pionnière en Afrique du Nord grâce à sa loi interdisant les châtiments corporels, la prévalence des châtiments corporels reste élevée dans ce pays. Selon un rapport de l’organisation non gouvernementale (ONG) Human Rights Watch, près de 90% des enfants tunisiens disent subir un châtiment corporel au moins une fois par mois, s’est-il inquiété. Face à cette situation d’autres membres du Comité ont prôné la mise en œuvre de mesures de « parentalité positive » et ont insisté pour que l’interdiction des châtiments corporels soit aussi effective dans le cercle familial.
Les experts se sont également inquiétés des mariages précoces dans le pays et ont souhaité savoir si la Tunisie envisageait de modifier le Code civil pour y supprimer toutes les exceptions qui permettent encore le mariage avant l'âge de 18 ans.
Des inquiétudes ont également été exprimées, entre autres, face à l’augmentation du taux de suicide chez les enfants depuis 2015 et au rythme accru de suicides depuis le début de la pandémie de COVID-19. Ont en outre été relevées les disparités régionales et entre zones urbaines et rurales en matière d’accès aux services destinés aux enfants.
Il n’en demeure pas moins qu’ont été salués par le Comité les importants accomplissements réalisés par la Tunisie depuis un an en faveur des enfants, notamment les ratifications de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote) et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant les plaintes individuelles (communications).
Présentant le rapport de son pays, M. Othman Jerandi, Ministre des affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens à l’étranger de la Tunisie, a notamment indiqué que depuis la remise de son rapport en avril 2018, le pays a encore renforcé les normes législatives relatives aux droits de l'enfant. Il a cependant reconnu qu’un certain nombre de défis attendent toujours la Tunisie, notamment les problèmes de l’abandon scolaire, du travail des enfants et de la montée de la violence à leur encontre que ce soit dans l'espace numérique ou physique.
Outre M. Jerandi, la délégation tunisienne était composée de M. Sabri Bachtobji, Représentant permanent de la Tunisie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève ; de Mme Lamia Zargouni, représentante des Services chargés des relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l'homme ; et de représentants de la Commission nationale de coordination, d'élaboration et de présentation des rapports et de suivi des recommandations dans le domaine des droits de l'homme, ainsi que des Ministères des affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens à l’étranger ; de la défense nationale ; de l’intérieur ; de la justice ; de l’éducation ; de la santé ; de la femme, de la famille et des personnes âgées ; et des affaires sociales.
Le Comité des droits de l’enfant doit clore les travaux de sa 87 e session vendredi prochain, 4 juin, à 16h.
Examen du rapport
Le Comité était saisi du rapport valant quatrième à sixième rapports périodiques soumis par la Tunisie (CRC/C/TUN/RQ/4-6), ainsi que des réponses de la Tunisie à une liste de points à traiter soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant ce rapport, le chef de la délégation tunisienne, M. OTHMAN JERANDI, Ministre des affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens à l’étranger de la Tunisie, a indiqué qu’il portait sur les mesures et lois que la Tunisie a adoptées dans le cadre du renforcement de son système des droits de l'enfant aux niveaux législatif et institutionnel. Le rapport a été rédigé avec les organes nationaux indépendants liés aux droits de l'homme, avec des composantes de la société civile et avec les défenseurs des droits de l'homme ; un rapport parallèle a aussi été soumis au Comité, a-t-il précisé.
Depuis l’examen du précédent rapport périodique, a indiqué le Ministre, la Tunisie a adhéré, notamment, à la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote). La Tunisie est ainsi le premier pays en dehors du Conseil de l'Europe à adhérer à cette Convention, qui est entrée en vigueur en février 2020, a fait valoir M. Jerandi.
Depuis la remise de son rapport en avril 2018, a ajouté le Ministre, la Tunisie a encore renforcé les normes législatives relatives aux droits de l'enfant et a enregistré, dans ce contexte, une étape historique en adhérant au troisième Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la soumission des communications (plaintes individuelles) devant le Comité des droits de l’enfant.
D’autre part, la Tunisie, conformément à ses obligations internationales, a promulgué un certain nombre de lois fondamentales relatives aux droits de l'enfant, parmi lesquelles la loi de 2016 sur la prévention et la lutte contre la traite des personnes, ou encore la loi fondamentale de 2017 relative à l'élimination de la violence à l'égard des femmes, qui comprend un certain nombre de dispositions relatives à l'enfant, en particulier l'abolition de la possibilité donnée au violeur d’épouser sa victime ; la même loi a élargi la portée des crimes relatifs à l'exploitation sexuelle des enfants pour inclure les garçons – alors que cela se limitait auparavant aux filles.
Un certain nombre de défis attendent toujours la Tunisie, notamment les problèmes de l’abandon scolaire, du travail des enfants et de la montée de la violence à leur encontre que ce soit dans l'espace numérique ou physique, a indiqué le Ministre. En outre, la crise de la COVID-19 a révélé certaines vulnérabilités, notamment en ce qui concerne la santé mentale de l'enfant et l'accès à l’éducation pour tous.
M. Jerandi a conclu sa présentation en priant le Comité d’exiger d’Israël qu’il mette fin aux violations subies par les enfants palestiniens.
Questions et observations des membres du Comité
M. BRAGI GUDBRANDSSON, membre du Comité et coordonnateur du groupe de travail chargé d’examiner plus en détail le rapport de la Tunisie, a salué les importants accomplissements réalisés en faveur des enfants par la Tunisie depuis un an, en particulier les ratifications de la Convention de Lanzarote et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant les plaintes individuelles (communications).
L’expert a demandé s’il était prévu de créer en Tunisie une infrastructure de protection de l'enfance dotée d'un mandat clair pour mener des interventions communautaires et familiales en faveur des enfants et des familles.
L’expert a ensuite salué les stratégies tunisiennes visant à renforcer les droits et la participation des enfants. Il a cependant regretté que la Tunisie n’ait pas privilégié une politique globale des droits de l'enfant. D’autres questions de l’expert ont porté sur la coordination de l’action publique et sur le financement consacré à la réalisation des droits de l’enfant.
M. Gudbrandsson a aussi demandé pour quelles raisons la commission indépendante des droits de l'homme, créée en vertu d’une loi adoptée en 2018, et comprenant une section spécialisée dans l'enfance, n'était pas opérationnelle.
M. Gudbrandsson a fait observer que la Tunisie faisait figure de pionnière en Afrique du Nord grâce à sa loi interdisant les châtiments corporels dans tous les contextes. Malgré cela, a relevé l’expert, la prévalence des châtiments corporels reste élevée : selon un rapport de l’organisation non gouvernementale (ONG) Human Rights Watch, près de 90% des enfants tunisiens disent subir un châtiment corporel au moins une fois par mois.
M. Gudbrandsson a voulu savoir s’il existait en Tunisie un système de signalement obligatoire des violences commises sur les enfants, y compris en ce qui concerne les abus sexuels. Il a constaté un manque de services thérapeutiques adaptés aux besoins des enfants victimes d'abus sexuels.
MME AISSATOU ALASSANE SIDIKOU, membre du groupe de travail, a demandé si la Tunisie envisageait de modifier le Code civil pour y supprimer toutes les exceptions qui permettent encore le mariage avant l'âge de 18 ans.
L’experte a en outre constaté des disparités, en matière d’accès aux services destinés aux enfants, entre les différentes régions et entre les communautés urbaines et rurales du pays. Demeure en outre une discrimination persistante à l'encontre des enfants en situation vulnérable, tels que les enfants nés de parents non mariés, les enfants handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants amazighs ou encore les enfants migrants, a regretté l’experte.
Mme Alassane Sidikou a prié la délégation de dire où en était la stratégie de désinstitutionalisation des enfants en situation vulnérable, qui prévoit un renforcement effectif des familles et un système de prise en charge alternatif. En Tunisie, a constaté l’experte, la privation de l'environnement familial concerne plusieurs catégories d'enfants, notamment les enfants nés hors mariage et les enfants victimes de violences.
M. LUIS ERNESTO PEDERNERA REYNA, membre du groupe de travail, a regretté que les opinions de tous les enfants ne soient pas prises en compte, notamment celles des enfants pauvres ou vivant dans les régions rurales. L’expert a fait état de difficultés rencontrées par les familles de migrants pour obtenir des certificats de naissance. Il a demandé quels étaient les effets de la loi antiterroriste sur le droit à la liberté d’expression des enfants en Tunisie et s’est enquis des mesures prises pour préserver le droit à la vie privée et à l’intimité des enfants qui utilisent des outils en ligne, surtout dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
MME MIKIKO OTANI, Présidente du Comité et membre du groupe de travail, a rappelé qu’en 2010, le Comité avait fait part de sa préoccupation face à la lenteur de la mise en œuvre du programme d'intégration scolaire des personnes handicapées ; elle a constaté que le rapport ici examiné ne contenait pas de données sur le nombre d'enfants handicapés fréquentant des écoles ordinaires. La Présidente s’est enquise des mesures qui seraient nécessaires pour parvenir à une éducation inclusive des enfants handicapés dans les écoles ordinaires.
Concernant l’accès aux services de santé, la Présidente du Comité a fait part de ses préoccupations sur les disparités régionales, ainsi que sur la qualité et les coûts des services publics et privés de santé. Elle s’est alarmée de l’augmentation du taux de suicide chez les enfants depuis 2015 et a invité la délégation à en expliquer les raisons. Elle s’est aussi interrogée sur l’existence d’un rythme accru de suicides depuis le début de la pandémie de COVID-19.
Mme Otani s’est d’autre part félicitée de la fourniture aux enfants de moyens d’accès au numérique et de la reconnaissance des droits de l’enfant à leur utilisation. Quelles mesures ont été prises par le Gouvernement pour veiller à ce que les informations sur la santé reproductive et génésique soit à la portée de tous les jeunes et adolescents tunisiens, a-t-elle ensuite demandé ? Quel est par ailleurs le résultat du Programme sur la lutte contre la consommation des drogues et des précurseurs.
La Présidente du Comité s’est également enquise de la façon dont la problématique du changement climatique serait incluse dans le cursus scolaire à tous les niveaux.
Les disparités en termes de qualité de l’enseignement entre le public et le privé ont-elles un effet discriminatoire sur les enfants du fait des revenus modestes de certaines familles, a par ailleurs demandé Mme Otani ? Comment le Gouvernement tunisien lutte-t-il contre le problème de l’absence d’hygiène et de propreté dans les écoles, a-t-elle aussi demandé ?
Un autre membre du Comité s’est enquis des moyens déployés pour favoriser une « parentalité positive », alors que le châtiment corporel est communément utilisé comme méthode éducative. Tout en félicitant la Tunisie pour avoir banni les châtiments corporels, une experte s’est toutefois demandée si cette interdiction s’appliquait également aux parents. Elle a par ailleurs insisté pour connaître les critères déterminant le choix des familles d’accueil.
Quelle est la durée d’emploi des personnes chargées de lutter contre la violence sexuelle faite aux enfants, a demandé un autre expert ?
Evoquant un rapport dont le Comité a été saisi et qui comporte des photos et des vidéos « alarmantes » montrant des exactions très violentes à l’encontre d’animaux dans la rue, une experte a voulu savoir de quelle manière la Tunisie traite cette situation.
Les autorités des associations chargées des enfants handicapés ont-elles été consultées pour l’élaboration du présent rapport, a-t-il en outre été demandé ?
Un expert s’est enquis du système de protection pour les enfants réfugiés, migrants et demandeurs d’asile. Il semblerait, selon des témoignages, que le seul programme qui existe pour les migrants – programme dit d'aide au retour volontaire et à la réintégration – les place dans des situations intenables tant du point de vue mental que physique, a-t-il indiqué. Existe-t-il réellement trois centres de rétention et de placement pour migrants et si tel est le cas, quelles sont les mesures envisagées pour les mineurs, dans le respect de la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et des garanties judiciaires, a-t-il demandé ? ce même expert a également évoqué le problème du non-enregistrement des enfants amazighs par leur nom et a invité à le résoudre.
La Tunisie envisage-elle des mesures pour empêcher le travail des enfants, notamment celui résultant de l’abandon scolaire, a-t-il également été demandé ? Qu’en est-il en outre de la stratégie de lutte contre la traite 2018-2023 s’agissant de la lutte contre la traite infantile et à quel stade de mise en œuvre en est-elle ? Quelles sont les activités menées par l’Etat pour garantir l’accès à la justice et des réparations intégrales pour les garçons et filles victimes de la traite ? La Tunisie a été appelée à mettre sa législation nationale en conformité avec les normes internationales en matière de justice pénale, notamment pour ce qui est de trouver des sanctions alternatives.
Concernant le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, la délégation a été priée de préciser les mesures de suivi envisagées pour le retour, la réhabilitation et la réinsertion d’enfants nés de parents combattants étrangers de Daech ?
Réponses de la délégation
Le projet de nouveau Code de l’enfance a été validé, a fait savoir la délégation tunisienne, avant de préciser que le Ministère de la justice est en train d’en préparer les règlements d’application. Ce Code doit être complété par des chapitres sur le traitement des enfants victimes et témoins dans les procédures judiciaires, a-t-elle notamment indiqué.
Le système de protection de l’enfance est en cours de renforcement, pour tenir compte notamment des effets de la crise sanitaire et économique, a poursuivi la délégation. L’État entend créer un cadre de protection non discriminatoire, adapté aux vulnérabilités spécifiques des enfants, a-t-elle précisé. L’État s’efforce, de manière générale, d’éviter que les enfants ne soient placés dans des institutions, a ajouté la délégation.
Pour ce qui est des infrastructures spécialisées, la délégation a par la suite expliqué qu’à partir de la révolution du jasmin, une unité spéciale avait été établie dans un des hôpitaux publics, avec l’appui d’ONG ; elle accueille des enfants ayant subi des agressions physiques et sexuelles. Un médecin légiste suit l’enfant, qui est préalablement vu et ensuite suivi par un psychologue infantile. Les enfants victimes de violence sont en particulier pris en charge dans le gouvernorat de Ben Arous, dans le nord du pays. Il y a eu environ 160 cas de prise en charge en 2020. Par ailleurs, les centres chargés de la santé reproductive alertent également sur les cas de violence sexuelle sur enfant. En dépit de ces efforts, la délégation a reconnu que des lacunes persistent car tous les gouvernorats ne sont pas encore couverts (par ce système de prise en charge), d’où la nécessité de la mise en place d’un mécanisme à cet effet.
La délégation a décrit les activités d’une institution chargée desenfants privés de soutien familial, y compris des enfants handicapés, et a salué les interventions des organisations et associations de la société civile qui oeuvrent avec le soutien financier de l’Etat. La politique à l’égard de ces enfants se fonde sur l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect de la dignité, a assuré la délégation.
Ainsi, 883 enfants ont-ils été pris en charge cette année, dont 463 ont pu réintégrer leur milieu familial ou trouver une famille adoptive – les familles adoptives bénéficiant notamment d’une aide financière de 80 dollars par enfant, a précisé la délégation. Elle a en outre assuré que les principes directeurs de prise en charge des enfants privés de soins familiaux étaient pris en compte, conformément aux recommandations du Comité sur les droits de l’enfant.
Les enfants ayant réintégré leur famille ont joui d’une assistance financière et d’une carte de traitement thérapeutique pour leur suivi, y compris en milieu scolaire. Le résultat en a été que ces enfants ont fait des progrès ; mais il n’en reste pas moins que les familles manquent de moyens financiers et humains pour prendre soin des enfants handicapés et que les questions de transports rendent parfois le suivi difficile en zone reculée ou dans le milieu montagnard. Un système d’alternance entre vie en institution et vie au sein de la famille a aussi été mis en place, a ajouté la délégation.
Des infrastructures adéquates ont été établies pour les enfants handicapés en milieu scolaire, avec des pédagogies adaptées à leur situation, a par ailleurs indiqué la délégation. La base de données sur la population tunisienne fournit désormais des statistiques sur les enfants handicapés aussi bien en milieu urbain qu’en milieu non urbain.
S’agissant de la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (dite Convention de Lanzarote), des comités ont été créés, sur le modèle de ceux mis en place pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, afin d’assurer la protection des enfants dans ce contexte, a fait valoir la délégation. Des ateliers de sensibilisation ont également été organisés à l’intention des journalistes et des intervenants dans les médias. Enfin, un centre veille à orienter, conseiller et prendre en charge les enfants hors du milieu familial en vue de leur réinsertion.
Avant 2017, a d’autre part indiqué la délégation, l’instance chargée de la lutte contre la violence ne couvrait pas toutes les provinces et municipalités du pays. Depuis cette date, elle est plus présente en faveur des enfants dits à risque – notamment ceux exposés aux risques de violence sexuelle ou de traite humaine. Les organisations indépendantes et de la société civile jouent un rôle remarquable dans ce contexte, en sus des efforts constants déployés par les pouvoirs publics pour sensibiliser un maximum de parties prenantes afin que les signalements nécessaires soient faits et les plaintes déposées. Une feuille de route (transmise au Comité en langue arabe) permet en particulier à un enfant d’adresser rapidement une plainte. La Tunisie œuvre également, avec le secteur privé, à promouvoir la parentalité positive à l’ère du numérique, a ajouté la délégation. En 2010, a-t-elle rappelé, la loi a été révisée pour faire en sorte que les parents ou tuteurs soient punis, en vertu des peines applicables, pour toute violence intrafamiliale.
Quant à la modification de la loi de 2005 sur les enfants handicapés, la délégation a indiqué que l’objectif majeur de cette modification consistait à aligner la législation tunisienne sur les normes internationales suite aux recommandations faites par le Comité et par d’autres organes conventionnels mais également par les enfants handicapés consultés. Ainsi, la définition du handicap a-t-elle été révisée, pour y ajouter l’aspect psychologique.
Tous les enfants nés en Tunisie jouissent des mêmes droits en termes d’acquisition de la nationalité, a souligné la délégation en réponse à certaines interrogations des membres du Comité. La délivrance du certificat de naissance relève d’une procédure très simple, même après le délai légal de dix jours (après la naissance), a-t-elle assuré. Les hôpitaux et dispensaires sont obligés d’informer les autorités de toute naissance.
Etant donné que le secteur de l’enfance concerne plusieurs ministères, a été créé un Conseil supérieur de l’enfance, qui est chargé de planifier de manière stratégique l’action de l’État, sur la base d’indicateurs chiffrés, a indiqué la délégation. Dix ministères ont aussi collaboré à la rédaction de la stratégie nationale pour la petite enfance, dont le but est d’offrir des services de meilleure qualité et diversifiés.
Le mariage d’enfants est exceptionnel en Tunisie, a assuré la délégation. Il appartient au juge d’annuler ou de valider une telle union, après une évaluation de la situation et compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, a-t-elle précisé.
La commission pour les droits de l’enfant qu’il est prévu de créer au sein de l’institution nationale des droits de l’homme pourra, notamment, mener des enquêtes en cas de violation des droits de l’enfant, a fait savoir la délégation. Les membres de la commission seront bientôt désignés, mais la Tunisie manque actuellement d’experts dans le domaine des droits de l’enfant, a-t-elle ajouté.
L’État tunisien a consacré dans la loi le principe de l’ intérêt supérieur de l’enfant. Ce principe doit obligatoirement faire partie intégrante de tout programme public en faveur de l’enfance, a souligné la délégation.
La Constitution et les lois tunisiennes interdisent explicitement toute discrimination envers les enfants, indépendamment de leur statut. Tous les enfants tunisiens jouissent des mêmes droits, s’agissant notamment de l’éducation, de la santé et de la nationalité ; une loi organique interdit la discrimination raciale envers les enfants, y compris les enfants amazighs, a insisté la délégation. Des programmes de formation sont destinés à sensibiliser les fonctionnaires concernés à l’importance de ce principe de non-discrimination, a-t-elle fait valoir.
Trois programmes ont été préparés par les autorités pour sensibiliser la population, au niveau national, à la protection des droits de l’enfant, a ajouté la délégation.
S’agissant de la protection des enfants dans l’ espace cybernétique, la délégation a fait état du lancement de campagnes de sensibilisation par les ministères concernés. Des conseils sont ainsi dispensés aux parents s’agissant de la supervision des activités de l’enfant en ligne, pour éviter les contenus nocifs ; de la manière de dénoncer des violences subies en ligne ; ou encore de la prévention des jeux violents ou d’argent.
L’enfant tunisien a le droit de se réunir de manière pacifique, conformément à la Constitution, a affirmé la délégation. La loi de 1960 sur les manifestations, contraire à la Constitution de 2014, a été abrogée : un projet de loi visant à remplacer ce texte est en cours d’élaboration, en collaboration avec la société civile et les organismes des Nations Unies. La loi sur le terrorisme a elle-même été modifiée de manière à exclure de sa portée le droit de réunion pacifique [qui reste ainsi intangible].
Plusieurs mineurs ont été incriminés au terme de manifestations, soupçonnés notamment d’atteintes à la propriété d’autrui et de violations des prescriptions relatives à la COVID-19. Un seul de ces mineurs est actuellement détenu, a précisé la délégation. Les mineurs de moins de 13 ans ne sauraient faire l’objet de poursuites pénales en Tunisie, a rappelé la délégation.
Depuis plus de 25 ans en Tunisie, a-t-elle par la suite rappelé, l'âge de la responsabilité pénale est de 13 ans et le niveau de responsabilité augmente progressivement en fonction de l’âge. Les enfants âgés de 13 à 15 ans sont, par exemple, tenus partiellement responsables d'infractions.
Le pays a pris des mesures alternatives à la privation de liberté, a ensuite ajouté la délégation, assurant que la détention d’un enfant est décidée en dernier recours. Un large panel de mesures alternatives est prévu avant, pendant et après le procès. Les tribunaux doivent toujours prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant durant toute la procédure, a souligné la délégation.
S’agissant du recrutement d’enfants par des groupes terroristes, la loi contre le terrorisme adoptée en 2015 n’exempte pas les enfants de poursuites même si le principe de la protection de l’enfance est préservé avec des mesures de réinsertion, a en outre indiqué la délégation. Les enfants attirés par les groupes terroristes sont globalement considérés comme des victimes. Il y a très peu de jugement d’enfants pour terrorisme, a précisé la délégation.
S’agissant du rapatriement de ses ressortissants, le Gouvernement tunisien estime que les enfants dans les zones de conflit vivent une véritable tragédie et sont d’abord et avant tout des victimes. Le Gouvernement a demandé le rapatriement des femmes et des enfants bloqués dans les camps ; un comité national a été créé pour suivre leur situation et coordonner l'action des organes gouvernementaux, en coopération avec les consulats, les organisations non gouvernementales et les organisations internationales. Il y a eu 20 enfants rapatriés de Libye et 8 de Syrie, a précisé la délégation.
La législation du travail régit le travail des enfants en leur faveur, a d’autre part souligné la délégation. La Tunisie, dans ce cadre, a suivi les dispositions et normes de l’Organisation internationale du Travail. Un certain nombre de lois prévoient de limiter et d’incriminer certaines formes de travail des enfants, a ajouté la délégation, évoquant notamment la loi qui prévoit l’incrimination du travail domestique des enfants.
Un centre à Tunis accueille les migrants illégaux, a par ailleurs indiqué la délégation. Ce centre fait l’objet de visites régulières inopinées de la part d’organisations internationales comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Aucun enfant non accompagné n’est autorisé dans le centre, a précisé la délégation.
Le Code pénal a été amendé pour interdire tout châtiment corporel sur un enfant, même lorsqu’il est infligé par ses parents, a en outre indiqué la délégation. Jusqu’en 2010, a-t-elle ensuite précisé, il n’y avait pas d’interdiction ; mais les textes législatifs adoptés depuis ont introduit des amendements, ce qui fait de la Tunisie un des pays africains interdisant toute forme de châtiment corporel. Cela n’est pas simple car le châtiment corporel est très ancré dans les coutumes sociétales, a souligné la délégation, ajoutant qu’une conférence internationale (sur le sujet) qui devait se tenir en Tunisie n’a hélas pas pu avoir lieu en raison de la pandémie de COVID-19.
En matière d’éducation, l’accent est mis sur les relations parents-élèves-école concernant le « vivre ensemble » et la lutte contre la violence, a ajouté la délégation.
En Tunisie, les enfants ne peuvent pas prendre part aux activités des conseils municipaux. Mais leur participation aux affaires publiques est possible par le biais du Parlement des enfants, a fait valoir la délégation. L’État travaille actuellement à un projet de loi pour permettre aux enfants membres de ce Parlement de déposer des propositions de textes sur les sujets qui les concernent, a-t-elle précisé.
La délégation a par ailleurs donné des explications sur l’intervention de la police pour se débarrasser des animaux (chiens) errants . Plusieurs accords ont été conclus avec des municipalités, a-t-elle indiqué. Certains citoyens demandent que les chiens errants soient tout simplement tués, mais le Ministère a opté pour une intervention plus humaniste, qui consiste en particulier à recueillir les animaux, à les soigner et à les vacciner, avant de tenter de les faire adopter ou de les relâcher après vaccination pour qu’ils ne transmettent pas de maladie. Ainsi, le nombre d’animaux tués a été nettement réduit, a ajouté la délégation.
S’agissant du suicide, la délégation a indiqué que les derniers chiffres font état de 3,27 cas pour 100 000 personnes avec une prédominance chez les femmes. Pour lutter contre ce phénomène, une stratégie nationale de prévention contre le suicide a été mise en place avec un accompagnement spécifique prévu pour les jeunes. Un accompagnement psychologique spécial est aussi organisé dans les écoles pour les élèves proches d’un jeune qui s’est suicidé. Des médecins sont également formés, en partenariat avec l’Organisation mondiale de la santé, dans le domaine de la prévention du suicide chez les jeunes.
Le pourcentage de décrochage scolaire est de 4,5% en Tunisie, a indiqué la délégation. Les autorités tentent de faire en sorte de prévenir ce phénomène et de travailler, en impliquant les différents ministères concernés, pour mettre en œuvre l’école de la seconde chance.
Remarques de conclusion
M. GUDBRANDSSON a exprimé sa gratitude à la délégation pour ce dialogue et a félicité la Tunisie pour ses accomplissements en faveur des enfants tunisiens. Le Comité a appris que la Tunisie était un modèle à suivre dans la région, a-t-il souligné. L’expert a invité les autorités tunisiennes à utiliser tous les outils à disposition du pays pour améliorer la protection et la promotion des droits de l’enfant.
M. JERANDI a remercié les membres du Comité pour l’intérêt porté au rapport de la Tunisie. Il a indiqué avoir apprécié ce dialogue transparent. La Tunisie a fait des progrès importants dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’enfant, mais des lacunes demeurent, notamment dans la pratique, a reconnu le Ministre. Le pays est engagé à aller de l’avant de manière à intégrer les enfants dans tous les programmes et toutes les stratégies nationales, a-t-il affirmé. Ce dialogue permettra à la Tunisie d’aller de l’avant et de combler les lacunes, a-t-il insisté. Les recommandations du Comité seront diffusées à grande échelle auprès de la société civile, a assuré le Ministre.
CRC21.005F