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"Commémoration du centenaire de l’Armistice de la Première Guerre Mondiale"
Michael Møller
18 novembre 2018
Commémoration du centenaire de l’Armistice de la Première Guerre Mondiale
Commémoration du centenaire de l’Armistice de la Première Guerre Mondiale
Allocution de M. Michael Møller
Directeur général de l’Office des Nations Unies à Genève
Commémoration du centenaire de l’Armistice de la Première Guerre Mondiale
Dimanche, 18 novembre 2018, à 17h00
Bâtiment des Forces Motrices, Genève
Prononcée au nom du Directeur général par M. Francesco Pisano, Directeur de la bibliothèque de l'ONU
Mesdames et Messieurs,
C’est un grand plaisir pour moi d’être parmi vous aujourd’hui, en cette journée de commémoration du centenaire de l’Armistice de 1918, un évènement important qui a particulièrement marqué l’histoire de notre civilisation.
J’ai également le plaisir de partager avec vous le message de M. Møller, Directeur général de l’Office des Nations Unies à Genève qui a le regret de ne pouvoir assister à cet évènement ce soir. Il vous transmet toutes ses amitiés.
***
Mesdames et messieurs,
Je tiens à remercier chaleureusement le Cantus Laetus, le Cercle de Bach de Genève et l’Orchestre de Chambre de Genève, ainsi que Mme Natacha Casagrande, M. Philippe Cohen et M. Gaspard Bosch pour avoir organisé cette commémoration ainsi que pour m’y avoir invité. Très chers chanteuses, chanteurs, musiciennes et musiciens, merci à vous.
100 ans. Voilà ce qui nous sépare de la fin de la Première Guerre Mondiale. La Grande Guerre. 100 ans, c’est également la période qui s’est écoulée depuis la naissance du multilatéralisme moderne, celui qui a ouvert la voie au développement du système international que l’on connait aujourd’hui. C’est sous cet angle que je souhaiterais partager quelques réflexions avec vous.
La Grande Guerre constitue un tournant de notre histoire commune, certes pour toute l’Europe, mais également pour le reste du monde.
Ce tournant a été franchi le 28 juin 1914 suite à l’assassinat de l’Archiduc Francois Ferdinand, mais les signes avant-coureurs étaient apparus déjà quelques temps avant.
Les pressions nationalistes qui mettaient en péril la cohésion interne des empires multinationaux, les différends économiques grandissants entre ces mêmes empires, les difficultés sociales qui affligeaient les populations des nations concernées…autant de facteurs qui ont contribué à augmenter les tensions entre ces empires, jusqu’à provoquer une dynamique de crise dont l’attentat de Sarajevo ne constitue que l’apogée.
Cet apogée qui nous précipita dans une guerre de quatre ans – l’une des plus meurtrières de notre histoire. Plus de 18 millions de morts, civils et militaires, une génération entière réduite de moitié, et un ordre géopolitique bouleversé. Une guerre qui n’a pas su être évitée par manque de canaux et moyens de communication, et par manque d’une table neutre à laquelle s’asseoir et discuter des conflits opposants les uns et les autres.
Il y a 100 ans donc, était signé l’Armistice qui mit fin à cette Grande Guerre. Il fut signé dans un simple wagon à l’arrêt dans une clairière non loin de Paris. Un armistice qui eut un impact particulièrement important sur les relations internationales pendant les décennies qui ont suivies. Le Traité de Versailles signé quelques temps après, entérina la création de la Société des Nations, et avec elle, la poursuite d’un système multilatéral global et le rêve d’une paix durable et universelle.
Je dis poursuite puisque dans les faits, les premiers forums de discussion avaient déjà commencé à se développer quelques temps avant déjà.
Ainsi par exemple:
- l’Union télégraphique internationale née en 1865, ancêtre de l’Union internationale des télécommunications,
- l’Union postale universelle née en 1874 et toujours active aujourd’hui,
- l’Union internationale pour la protection de la propriété industrielle née en 1883 et ancêtre de l’actuelle Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle
- ou encore l’Office international d’hygiène publique née en 1908, l’un des précurseurs de ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de l’Organisation mondiale de la Santé.
Ensembles, ces différentes unions, constituaient les prémisses d’un système universel instauré par la Société des Nations, les prémisses d’un nouveau multilatéralisme que j’appelle le multilatéralisme moderne.
En effet, instaurée par et pour les Etats membres qui l’ont créée à l’époque, la Société des Nations était un projet d’envergure globale proposant une nouvelle façon de conduire la diplomatie entre nations et un nouveau modèle de coopération internationale.
La Société des Nations incarnait à la fois la vision ambitieuse d’une gestion nouvelle des relations internationales et une réponse concrète aux défaillances de la politique des grandes puissances, son but n’étant rien de moins que la sauvegarde de la paix mondiale.
Des témoignages de l’époque montrent l’espoir que beaucoup portaient ici à Genève sur la Société des Nations en tant que forum de négociation de paix et de plateforme pour que tous atteignent un meilleur niveau de vie. Voici la description du délégué des Pays-Bas à la 1ère Assemblée de la Société des Nations le 15 novembre 1920 (je cite) : « Tout Genève était dans la rue. On formait des groupes, on regardait, on suivait des yeux les étrangers sortant de la gare. (…) puis des hourra ! des bravo ! n’était-ce pas la paix éternelle qui faisait son entrée en les personnes des délégués ? »,
Cet enthousiasme de la foule genevoise en dit long sur les espoirs suscités par la diplomatie multilatérale et par la naissance de la Société des Nations.
Malgré l’échec que certains voient en elle, et que certains retiennent d’elle, la Société des Nations a, dans beaucoup de domaines, jeté les bases de ce que l’ONU fait aujourd’hui. Car à travers ses différents organes subsidiaires techniques, la Société des Nations a donné naissance à un système cohérent et relativement complet.
Du désarmement à la protection des minorités et des réfugiés, en passant par la justice internationale, la coopération intellectuelle et la règlementation du travail, l’action de la Société des Nations a su innover et poser les fondements du multilatéralisme que nous connaissons aujourd’hui.
Tout d’abord, la règlementation du travail, la Société des Nations considérait qu’une paix mondiale ne pouvait être achevée sans paix sociale. Ainsi, la création de l’Organisation internationale du Travail également en 1919, constitue le début de la mise en place d’une politique sociale internationale. Au cours des années d’activité de la Société des Nations, des dizaines de conventions ont été signées, touchant à plusieurs réformes telles que la journée de 8 heures, le repos hebdomadaire obligatoire, l’inspection du travail.
La coopération intellectuelle ensuite. Deux commissions mises en place par la Société des Nations ont développé certaines idées toujours présentes aujourd’hui telles que la sauvegarde de patrimoine, ou la coopération entre les bibliothèques, dans le but de partager et diffuser l’histoire, mais également de nous offrir les clés pour faire en sorte que celle-ci ne se répète pas. Aujourd’hui ces idées se retrouvent dans le mandat de l’UNESCO, mais c’est bel et bien ici à Genève qu’elles sont nées.
C’est peut-être parce qu’elle a été si souvent le centre de l’histoire du multilatéralisme que Genève est aussi centre de la mémoire et de l’histoire. En effet, les archives historiques de la Société des Nations, plus de 15 millions de pages inscrites au Registre « Mémoire du Monde » de l’UNESCO, sont toujours conservées au Palais des Nations par notre Bibliothèque, elle aussi créée au sein de la SdN. Elles attestent de l’importance des multiples efforts conduits par nos prédécesseurs en matière de diplomatie multilatérale et de coopération internationale.
Il est donc important que ces archives soient accessibles à toutes et tous à travers le monde et c’est justement pour cela que cette collection unique est en train d’être numérisée et mise en ligne d’ici 2021, afin que les historiens continuent à mettre en lumière les leçons des 100 dernières années sur l’importance du multilatéralisme et de la coopération entre les peuples.
Bien sûr, la Société des Nations reste aux yeux de beaucoup l’organisation qui n’a su endiguer les obstacles majeurs au maintien de la paix, qui n’a su éviter la 2e Guerre Mondiale. Cependant, les idéaux qui la sous-tendaient ont perduré en se renforçant, et servent encore aujourd’hui, de fondement à l’Organisation des Nations Unies.
De même que la volonté de collaboration d’antan sous-tend celle d’aujourd’hui, les défis contemporains rappellent ceux d’il y a 100 ans. C’est pour cela qu’il est important de continuer à tirer les leçons du passé.
Aujourd’hui il ne s’agit plus d’empires, mais les pressions des nationalismes que j’ai mentionnées plus tôt réapparaissent dans plusieurs pays. Les différends économiques s’aiguisent et provoquent des vagues protectionnistes qui menacent la stabilité mondiale. Enfin en ce qui concerne les questions sociales, les inégalités continuent de se creuser à travers le monde.
Nous devons rester vigilants face à ces trois facteurs de pression – économique, nationaliste, et sociale – car ils se renforcent mutuellement et peuvent engendrer une spirale négative
Il faut aussi reconnaitre que de manière générale, les dernières décennies ont également été témoins des grands progrès pour l’humanité.
Songez que le nombre de personnes décédées des suites d’une guerre a chuté de 50% depuis les années 90. Ce nombre connait une baisse de 75% depuis les cinq dernières décennies, ainsi qu’une chute de 99% depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Même en dépit d’exceptions importantes, la santé, les droits et les conditions de vie de la plupart des populations sur terre se sont considérablement améliorés. Songez par exemple qu’à quelques exceptions près, la pauvreté a davantage été réduite au cours des 50 dernières années qu’au cours des 500 dernières.
Tout cela met en lumière l’importance du rôle du système multilatéral.
Mais ne nous y trompons pas : le multilatéralisme a besoin d’être entretenu et nourri. Tel un système immunitaire, il protège la santé de la communauté internationale. Sa baisse ne peut qu’amener des troubles. De nos jours, ce système est menacé et s’il disparaît, il va falloir nous préparer à un monde bien plus dangereux, bien moins pacifique, bien moins prospère, et bien moins inclusif.
Il n’y a pas d’alternative crédible au multilatéralisme. Ce que les évènements dont nous commémorons le centenaire aujourd’hui nous ont appris est que les solutions nationalistes et unilatérales sont des remèdes illusoires, et notamment que l’isolationnisme n’est pas une garantie de sécurité et prospérité. Cela a d’ailleurs été largement démontré bien des fois après la Grande Guerre.
En 100 ans nous avons parcouru beaucoup de chemin. Depuis l’Armistice de 1918, une organisation mondiale est née et a disparu, suivie d’une autre, l’ONU, qui continue à protéger l’espace multilatéral au profit de tous. Sans l’ONU notre vie ainsi que les relations entre pays deviendraient plus compliquées. L’ONU n’est pas qu’une Organisation internationale : elle est un symbole d’espoir pour l’humanité. C’est donc pourquoi, fondamentalement, il en va de la responsabilité de chacun de s’impliquer et de la soutenir.
Soutenir la solidarité globale est l’affaire de tout un chacun. Comme de s’impliquer dans la mise en œuvre de de l’Agenda 2030 pour le développement durable, notre feuille de route commune.
Dès lors, voici ce que je vous demande : restez impliqués, restez optimistes. Ensemble, nous pouvons créer un monde globalement durable ; socialement équitable ; écologiquement sûr ; économiquement prospère ; et surtout inclusif.
Je vous souhaite une bonne commémoration ce soir et je vous invite d’ores et déjà au Palais des Nations puisqu’au cours de l’année prochaine, l’ONU à Genève, et plus particulièrement notre Bibliothèque organiseront une série d’évènements pour marquer 100 ans de diplomatie multilatérale à Genève et bien sûr la création de la Société des Nations.
Je vous remercie chaleureusement pour votre attention.
***
Tels sont les mots que M. Møller a souhaité partager avec vous ce soir. Mesdames et messieurs je vous remercie de votre attention et je vous souhaite un bon concert.
This speech is part of a curated selection from various official events and is posted as prepared.