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Examen de la Serbie au Comité des disparitions forcées : les experts se penchent notamment sur le projet de loi relatif aux disparitions forcées, ainsi que sur la protection des victimes et témoins

Compte rendu de séance

 

Le Comité des disparitions forcées a examiné ce matin un rapport contenant des renseignements complémentaires soumis par la Serbie en application de l’article 29(4) de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qui prévoit que « le Comité peut aussi demander aux États parties des renseignements complémentaires sur la mise en application de la présente Convention ».

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation serbe venue soutenir ce rapport, une experte a recommandé de conformer le droit serbe aux dispositions de la Convention, en particulier pour que le délai de prescription soit calculé à partir de la fin de la disparition forcée, de manière à refléter la nature continue de ce crime. L’experte a en outre relayé des préoccupations de la société civile selon lesquelles le projet de loi sur les disparitions forcées [qui est à l’étude] ne ferait pas de la disparition forcée un crime autonome tel que défini par la Convention.

D’autres questions de l’experte ont porté sur la protection des victimes et témoins dans les procédures judiciaires concernant les crimes de guerre et les disparitions forcées. En 2018, a rappelé l’experte, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires s'est dit préoccupé par la protection limitée accordée aux victimes et témoins. L’experte s’est notamment enquise des mécanismes existants pour assurer la protection des personnes participant à une enquête, y compris afin d’enquêter sur les allégations de menaces ou d'intimidations visant des témoins. Elle a également insisté sur l’importance de sensibiliser les victimes et les témoins à leurs droits et d’améliorer les connaissances des fonctionnaires de justice, des avocats, des policiers et du grand public à cet égard.

Quelque 15 000 victimes civiles de la guerre, en majorité des femmes, n’ont pas accès au statut de victime de guerre ni aux indemnisations y afférentes, a d’autre part fait remarquer l’experte.

Regrettant que des criminels de guerre aient été publiquement traités en héros en Serbie, une autre experte a demandé si le Gouvernement allait incriminer juridiquement le déni ainsi que la glorification de crimes de guerre.

Il a par ailleurs été demandé à la délégation ce qu’il en était de la coopération de la Serbie avec les pays voisins dans la résolution des cas de disparition forcée, et combien de dépouilles de personnes disparues avaient été retrouvées, identifiées puis restituées à leurs familles par les autorités serbes.

Présentant le rapport de son pays, M. Veljko Odalović, Secrétaire par intérim du Ministère de l'intérieur et Président de la Commission des personnes portées disparues du Gouvernement de la République de Serbie, a précisé que, dans le cadre du processus d'harmonisation avec l'acquis de l’Union européenne (UE), la Serbie travaillait à l'élaboration de nouvelles solutions juridiques qui définiraient la disparition forcée comme une infraction pénale à part entière. En particulier, a-t-il indiqué, le projet de loi modifiant le Code de procédure pénale propose un alignement complet des dispositions dudit Code sur les directives de l'UE. La disparition forcée est considérée en Serbie comme une infraction pénale composite, constituée de plusieurs infractions pénales prévues par la législation pénale en vigueur : l'obligation prévue par l'article 2 de la Convention est ainsi remplie, a affirmé M. Odalović.

Par ailleurs, a-t-il poursuivi, le projet de loi sur les droits des personnes disparues et des membres de leur famille a été rédigé et soumis à la procédure d'adoption. Le groupe de travail ayant rédigé ce projet, composé de représentants du Gouvernement et d'associations de familles de personnes disparues, s’est inspiré des Principes directeurs pour la recherche des personnes disparues préparés par le Comité, lesquels font désormais partie intégrante du projet de loi, a mis en avant M. Odalović.

M. Odalović a par ailleurs attiré l’attention du Comité sur le fait que la Serbie n’était pas en mesure de contrôler l’application de la Convention dans la province autonome du Kosovo-Metohija, dont la gestion est confiée à la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK).

La délégation serbe était également composée, entre autres, de M. Milan Milanović, Représentant permanent de la Serbie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères des affaires étrangères ; de l’intérieur ; des droits de l'homme, des minorités et du dialogue social ; de la justice ; et du travail, de l'emploi, des anciens combattants et des affaires sociales. Étaient aussi représentés le Bureau pour le Kosovo-Metohija, le Commissariat pour les réfugiés et les migrations, le pouvoir judiciaire et la police, de même que la Croix-Rouge serbe.

Pendant le dialogue, la délégation a notamment précisé qu’il était prévu d’harmoniser le Code de procédure pénale serbe avec les directives de l’Union européenne en matière de protection des victimes pendant les enquêtes et procédures pénales. En l’état, les victimes, témoins et témoins particulièrement vulnérables peuvent bénéficient de mesures de protection ordonnées par la justice et assurées par un service distinct au sein de la police, a-t-il été indiqué.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Serbie et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 4 avril prochain.

 

Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Gambie.

 

Examen des renseignements complémentaires de la Serbie 

Le Comité est saisi d’un rapport (CED/C/SRB/AI/1) soumis par la Serbie et contenant des renseignements complémentaires demandés par le Comité au titre de l’article 29(4) de la Convention.

Présentation

Chef de la délégation serbe, M. VELJKO ODALOVIĆ, Secrétaire par intérim du Ministère de l'intérieur et Président de la Commission des personnes portées disparues du Gouvernement de la République de Serbie, a notamment précisé que les travaux de la Commission des personnes portées disparues du Gouvernement serbe dépendaient encore de la volonté de coopération des autres parties impliquées dans ce processus, mais que, grâce à l’insistance de la Serbie pour établir et maintenir une coopération régionale, plus de 75% des cas ont été résolus sur quelque 40 000 personnes qui, selon les estimations, ont disparu pendant les conflits armés en ex-Yougoslavie.

M. Odalović a ensuite attiré l’attention du Comité sur le fait que la Serbie n’était pas en mesure de contrôler l’application de la Convention dans la province autonome du Kosovo-Metohija, dont la gestion est confiée à la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK). Il a regretté que « Pristina » tente de vider de sa substance le mandat du Groupe de travail sur les personnes disparues présidé par le Comité international de la Croix-Rouge – ce qui, a affirmé M. Odalović, rend impossible de poursuivre les efforts sur le terrain pour retrouver les personnes disparues. Il a suggéré que le Comité invite la MINUK à fournir des informations supplémentaires sur l’application de la Convention sur le territoire du Kosovo-Metohija, et compléter ainsi le rapport de la République de Serbie en tant qu'État partie.

S’agissant de l’application proprement dite de la Convention, M. Odalović a précisé que, dans le cadre du processus d'harmonisation avec l'acquis de l’Union européenne (UE), la Serbie travaillait à l'élaboration de nouvelles solutions juridiques qui définiraient la disparition forcée comme une infraction pénale à part entière. En particulier, a-t-il indiqué, le projet de loi modifiant le Code de procédure pénale propose un alignement complet des dispositions dudit Code sur les directives de l'UE. La disparition forcée est considérée en Serbie comme une infraction pénale composite, constituée de plusieurs infractions pénales prévues par la législation pénale en vigueur : l'obligation prévue par l'article 2 de la Convention est ainsi remplie, a affirmé M. Odalović.

Par ailleurs, a-t-il poursuivi, le projet de loi sur les droits des personnes disparues et des membres de leur famille a été rédigé et soumis à la procédure d'adoption. Le groupe de travail ayant rédigé ce projet, composé de représentants du Gouvernement et d'associations de familles de personnes disparues, s’est inspiré des Principes directeurs pour la recherche des personnes disparues préparés par le Comité, lesquels font désormais partie intégrante du projet de loi, a mis en avant M. Odalović.

M. Odalović a ensuite évoqué la création d’un organe de coordination pour le soutien aux victimes de la criminalité et aux témoins dans les procédures pénales, ainsi que le travail du Gouvernement en matière de recherche des personnes disparues sur les routes migratoires.

Le chef de délégation a insisté sur le fait que l'engagement à résoudre le problème des personnes disparues, ainsi qu'à poursuivre les responsables de crimes de guerre dans le cadre desquels des victimes ont ensuite été retrouvées dans des fosses communes, était l'un des objectifs du Bureau du Procureur chargé des crimes de guerre.

Questions et observations des membres du Comité

S’agissant de l’harmonisation du cadre juridique serbe, MME CARMEN ROSA VILLA QUINTANA, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, a d’abord demandé si le projet de réforme du Code pénal intégrait la disparition forcée en tant que crime autonome tel que défini par la Convention et si, compte tenu de sa gravité, le crime de disparition forcée pouvait entraîner la réclusion à perpétuité. L’experte a aussi voulu savoir si des mesures étaient prises pour conformer le droit serbe aux dispositions de la Convention relatives aux circonstances aggravantes et au délai de prescription, en particulier pour que le délai de prescription soit calculé à partir de la fin de la disparition forcée, de manière à refléter la nature continue du crime de disparition forcée.

L’experte a par ailleurs demandé si le projet de loi sur les personnes disparues mentionné par le chef de la délégation avait été adopté.

D’autres questions de Mme Villa Quintana ont porté sur la protection des victimes et des témoins dans les procédures judiciaires concernant les crimes de guerre et les disparitions forcées. En 2018, a rappelé l’experte, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires s'est dit préoccupé par le manque d'assistance systématique et la protection limitée accordée aux victimes et témoins. Mme Villa Quintana s’est enquise des mécanismes existants pour assurer la protection des personnes participant à une enquête, y compris pour ce qui est des mesures prises afin d’enquêter sur les allégations de menaces ou d'intimidations visant des témoins.

L’experte a en outre insisté sur l’importance de sensibiliser les victimes et les témoins à leurs droits et d’améliorer les connaissances des fonctionnaires de justice, des avocats, des policiers et du grand public à cet égard.

Quelque 15 000 victimes civiles de la guerre, en majorité des femmes, n’ont pas accès au statut de victime de guerre ni aux indemnisations y afférentes, a d’autre part fait remarquer l’experte.

Mme Villa Quintana a recommandé que la Serbie applique directement les dispositions de la Convention relatives aux circonstances aggravantes ou atténuantes du crime de disparition forcée.

Des organisations de la société civile auraient exprimé leur préoccupation devant le fait que le projet de loi sur les disparitions forcées ne fasse pas de la disparition forcée un crime autonome, a en outre fait remarquer l’experte.

MME BARBARA LOCHBIHLER, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, a prié la délégation de préciser combien de cas de crimes de guerre, y compris des cas d’enlèvements et de disparitions forcées, avaient été pris en compte par les autorités de justice, et quelles sanctions avaient été prononcées, en particulier s’agissant de militaires ou d’anciens militaires responsables. Elle a demandé ce qu’il en était des quelque 1700 crimes de guerre toujours en attente d’enquête préliminaire.

Regrettant par ailleurs que des criminels de guerre aient été publiquement traités en héros en Serbie, l’experte a demandé si le Gouvernement allait incriminer juridiquement le déni ainsi que la glorification de crimes de guerre.

Mme Lochbihler a ensuite demandé ce qu’il en était de la coopération de la Serbie avec les pays voisins – mais aussi avec les organisations de la société civile actives dans ce domaine – dans la résolution des cas de disparition forcée. Pour le Comité, la coopération régionale est essentielle pour prévenir et enquêter sur les disparitions forcées dans le contexte des migrations, a rappelé l’experte.

Plusieurs autres membres du Comité ont demandé combien de dépouilles de personnes disparues avaient été retrouvées, identifiées puis restituées à leurs familles par les autorités serbes.

La délégation serbe a été interrogée sur les progrès accomplis dans l’identification des bébés disparus dans des maternités de l’État partie – un problème qui a perduré pendant des décennies et dont la Cour européenne des droits de l’homme s’est saisie à deux reprises, a-t-il été souligné.

Un expert a souligné l’importance d’aligner la législation serbe sur la Convention. Il s’est interrogé sur les obstacles juridiques à la coopération de la Serbie dans la recherche de personnes disparues.

Réponses de la délégation

La délégation a précisé que le crime de disparition forcée était une infraction composite, reflétant plusieurs dispositions du Code pénal, et passible des sanctions prévues à ce titre, y compris, le cas échéant, de la réclusion à perpétuité. 

Le droit des victimes à la vérité et à la réparation correspond pleinement à l’article 24 de la Convention, a en outre assuré la délégation. 

La délégation a souligné que le Code pénal serbe ne prévoyait pas de prescription pour les crimes contre l’humanité, y compris la disparition forcée et les tentatives de changer la composition ethnique d’une communauté – des actes passibles de peines allant de cinq ans d’emprisonnement à la détention à perpétuité.

Il est prévu d’harmoniser le Code de procédure pénale avec les directives de l’Union européenne en matière de protection des victimes pendant les enquêtes et procédures pénales. Le Ministère de la justice a constitué un groupe de travail pour procéder aux nombreux amendements nécessaires, une démarche qui se fait en consultation avec la société civile, a-t-il par ailleurs été précisé. En l’état, les victimes, témoins et témoins particulièrement vulnérables peuvent bénéficient de mesures de protection ordonnées par la justice et assurées par un service distinct au sein de la police, a souligné la délégation. Aucune personne placée sous cette protection n’a été tuée, a-t-elle ajouté.

Le Gouvernement applique en outre une « Stratégie nationale de protection des victimes et témoins de crime en Serbie » axée sur le renforcement normatif et institutionnel, ainsi que sur la sensibilisation.

L’approche du Gouvernement s’agissant de la protection des victimes ne se concentre pas uniquement sur les « victimes serbes », comme il est parfois affirmé à tort, a d’autre part assuré la délégation.

L’adoption de la loi sur les personnes disparues a été retardée par l’actualité politique en Serbie, marquée, en particulier, par la tenue de trois élections législatives dans un passé récent et par des manifestations de la société civile, a ensuite expliqué la délégation.

Des mesures sont prises pour prévenir la disparition forcée dans le contexte des migrations, a poursuivi la délégation. Les Principes directeurs pour la recherche des personnes disparues du Comité ont été traduits en Serbe et diffusés auprès des services concernés, a-t-elle fait valoir. D’autre part, cinq organisations de la société civile ont contribué à l’élaboration de la stratégie nationale contre la traite des êtres humains, a ajouté la délégation.

Quelque 793 affaires de bébés disparus sur 854 ont été résolues, a par ailleurs précisé la délégation.

Entre 2015 et 2024, le Parquet a envoyé plusieurs centaines de demandes d’information sur des crimes de guerre, a fait savoir la délégation. Il a bouclé 82 enquêtes et incriminé les responsables de la disparition forcée de 55 personnes en temps de guerre, a-t-elle précisé. La résolution des crimes exige une coopération régionale, victimes et témoins étant répartis dans plusieurs pays, a souligné la délégation. À ce titre, la Serbie collabore régulièrement avec les autorités de poursuite de pays voisins afin d’élucider les affaires, y compris celle de Srebrenica, a-t-elle insisté.

La coopération régionale a permis, depuis sept ou huit ans, de trouver quatre mille dépouilles reposant dans des morgues, dont un quart ont été identifiées à ce jour, a précisé la délégation. Cette démarche se poursuit à l’heure actuelle en collaboration avec des familles de toute la région, les autorités serbes ouvrant une enquête aussitôt que des informations sur l’existence d’une fosse commune lui parviennent. Des hommages à la mémoire des victimes ont été rendus conjointement par les autorités concernées, a ajouté la délégation. Elle a regretté que « Pristina » et la Croatie mettent actuellement des obstacles à ces efforts de recherche et d’exhumation – et ce au détriment des intérêts des familles, a-t-elle fait remarquer.

La délégation a indiqué qu’elle donnerait par écrit des informations sur le nombre de dépouilles de victimes de disparition forcée exhumées et identifiées.

Remarques de conclusion

Au terme du dialogue, M. ODALOVIĆ a assuré que son pays, pleinement engagé à respecter ses obligations, ferait un usage positif des observations du Comité.

M. OLIVIER DE FROUVILLE, Président du Comité, a fait observer que le problème des personnes disparues qui ne sont pas retrouvées pouvait constituer un germe de conflit, raison pour laquelle le Comité insiste sur la nécessité d’une volonté politique et de la mise place d’un cadre juridique approprié pour trouver des réponses aux disparitions forcées.

 

 

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel. 

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment. 

 

 

CED25.002F