António Guterres : « nous devons faire en sorte que le mensonge redevienne un mal » et réduire les discours de haine
Antonio Guterres s'exprimait lors de la Conférence mondiale des ministres de l'éducation sur la lutte contre les discours de haine par l'éducation.
Se souvenant des horreurs de la Seconde Guerre mondiale et des génocides au Rwanda, en Bosnie et au Cambodge, le chef de l'ONU a affirmé que « le déni des faits historiques ou scientifiques crée un vide de vérité qui est trop facilement exploité par les voix de l'intolérance et de la haine ».
« Il y a toujours de la place pour le débat autour des opinions. Il n'y a pas de place pour le débat autour des faits. Nous devons faire en sorte que le mensonge soit à nouveau faux », a déclaré M. Guterres.
Evénement mondial
Organisé par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et le Bureau du conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide (OSAPG), cet événement s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie et du plan d'action des Nations Unies sur le discours de haine.
Cet événement d'une journée réunit des chefs d'État et de gouvernement, ainsi que des ministres de l'éducation, afin d'approuver les engagements mondiaux visant à lutter contre le discours de haine, en ligne et hors ligne, grâce à des mesures éducatives plus efficaces.
Médias sociaux
En ouvrant la conférence, M. Guterres a déclaré que « les médias sociaux constituent un mégaphone mondial pour la haine », les mensonges et la désinformation se répandant dans le monde entier « en appuyant sur un bouton ».
« Une page internet douteuse ou un message anonyme peut remettre en question des décennies, voire des siècles, de travail, de réflexion, d'étude et d'analyse minutieuse par des scientifiques, des historiens ou d'autres experts », a-t-il fait valoir.
Notant que les opinions racistes, intolérantes et extrémistes « peuvent se répandre comme une traînée de poudre », M. Guterres a souligné les conséquences, telles que l'éloignement des citoyens, la remise en cause des idéaux démocratiques et, en fin de compte, la mise en danger de vies.
« Trop de gens meurent de la Covid-19 parce qu'ils étaient convaincus que l'acceptation du vaccin était la mauvaise chose à faire », a-t-il déclaré.
Solutions
Pour le Secrétaire général, cette conférence consiste à discuter des moyens par lesquels l'éducation peut aider à lutter contre la désinformation et les discours de haine.
« Lorsque nous enrichissons le sol de la connaissance avec une véritable expertise, avec des faits, de la science et de l'exactitude historique, la haine ne peut pas prendre racine », a-t-il expliqué.
M. Guterres estime que la pensée critique ne consiste pas simplement à « penser par soi-même », mais à « disposer des outils et des compétences nécessaires pour évaluer correctement les théories et les faits ».
« Et de faire pencher la balance en faveur des autorités et des experts qui ont passé leur vie à étudier, évaluer et réfléchir à ces questions, en exprimant publiquement et en privé leur soutien », a-t-il ajouté.
Notant que les éducateurs, les enseignants et les administrateurs constituent la première ligne de défense, il a demandé aux ministres de l'éducation participant à l'événement d'être ambitieux.
« Nous devons sortir de cette conférence avec des solutions audacieuses et concrètes sur la manière dont nous pouvons, individuellement et collectivement, intensifier la lutte contre les discours de haine », a-t-il insisté.
Appelant à l'inclusion de tous les groupes, tels que les jeunes, les entreprises de médias sociaux, les gouvernements et les partis politiques, M. Guterres a conclu en disant que « la haine est un danger pour tout le monde, et donc la combattre doit être le travail de tous ».
La réponse juridique ne suffit pas
Selon l'ONU, le discours de haine est en hausse dans le monde entier, avec le potentiel d'inciter à la violence, de saper la cohésion sociale et la tolérance.
Il peut également causer des dommages psychologiques, émotionnels et physiques basés sur la xénophobie, le racisme, l'antisémitisme, la haine anti-musulmane et d'autres formes d'intolérance et de discrimination.
S'exprimant lors de la conférence, la Directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, a rappelé que « cette haine n'est pas nouvelle ».
« Ce qui a changé plus récemment, c'est l'influence et l'ampleur des plateformes de médias sociaux, qui sont devenues une chambre d'écho qui amplifie les discours de haine », a-t-elle déclaré.
Pour Mme Azoulay, « la réponse juridique est essentielle, mais elle n'est pas suffisante ».
« Nous devons aussi mobiliser l'éducation, car c'est par l'éducation que l'on développe l'esprit critique et que l'on déconstruit les préjugés », a-t-elle expliqué.
La Directrice générale a également déclaré que l'UNESCO est prête à soutenir ses États membres, par exemple en élaborant des recommandations politiques à l'intention des autorités éducatives du monde entier.